Rematch: la série inspirée de faits réels.

C’est évidemment à reculons (quoiqu’à toute vitesse) que je me suis sereinement précipité vers cette série.
Et pourtant le piège est gros !
En annonçant dés la bande annonce qu’il s’agissait d’une fiction (avec un héros qui se nomme Kasparov) et qu’il ne s’agissait pas d’un documentaire (avec IBM qui ne veut toujours pas dire Imitation Burroughs Machine) mais que le tout s’inscrivait dans une inspiration de faits réels, on était certain de créer l’habituel trouble dans le milieu échiquéen.
Ce n’est pas grave comme dirait toub’, on l’a déjà vécu avec « The Queen’s gambit » et j’y reviendrai.
Une fois de plus, à mon avis, pour bien goûter toutes les facettes de cette série il faut, là aussi, s’éloigner juste un peu de l’échiquier bien que le contenu des parties à l’écran colle à la réalité. Paradoxe.

L’épisode 1 commence par la fin.
Kasparov (interprétation bluffante de Christian Cooke) lors d’une conférence (aujourd’hui en gros) reçoit par sms un message sibyllin rappelant clairement l’aveu de Maradona après son infâme tricherie : « The hand of god ».
Dès lors tout est dit et l’on peut, si l’on est pressé, se rendre sur la fiche Wikipédia rubrique controverse. Les 6 épisodes retraceront ce qu’il s’est passé 25 ans auparavant à savoir le match entre Kasparov et l’empire IBM et surtout sa revanche.
Une question faussement anodine est au passage posée « Les échecs font-ils de meilleurs êtres humains ? » .
Inutile de participer à des interclubs (qui démarrent cette année le dimanche 13 octobre je le précise au passage) pour répondre que Non.
En ajoutant : « Ça se saurait ! ».
Bref.
Digression.

On se demande d’ailleurs sur quels critères il faudrait juger de cet éventuel « perfectionnement ».
Il conviendrait en outre de s’interroger, dans le cas d’une réponse positive, sur le degré relatif d’amélioration que permettrait d’envisager par exemple le jeu de dames ou bien le go… jeux inférieurs en occident à n’en pas douter (oups) et on voit bien l’impasse dans laquelle on se retrouverait rapidement…
Cette question qui reviendra au moins deux fois dans la série peut d’ailleurs se poser en miroir : « Les échecs font-ils de pires êtres humains ? ».
C’est dans quelques cas assez possible hélas. Rester assis pendant plusieurs heures, dans un sentiment (et une réalité) de profonde solitude, dans une tension rarement atteinte dans d’autres activités humaines, n’est pas une situation bien neutre ni de nature à améliorer la filière lipidique (sur ce dernier point comme tous les ‘sports’ assis cela dit).

A titre personnel je me suis régalé dés le début de cette série. Il faut dire qu’à l’époque non seulement j’ai vécu cet épisode en temps réel mais en plus j’étais informaticien depuis déjà une quinzaine d’années (et pour encore autant du reste…) mais qu’en plus je travaillais comme DBA (Data Base Administrator) de bases de données relationnelles hébergées sur plusieurs IBM 43xx Dos/VSE sous VM.
C’est dire si j’étais client.
En fait c’est l’apparition de l’écran bleue de la mort (Fatal Error) qui a généré clairement un petit pincement au cœur.
Dans mon souvenir sinon, ce qui dominait surtout dans le monde échiquéen à l’époque (fin des années 80, années 90, début 2000) que je ne fréquentais que de loin, c’était l’état de déliquescence dans lequel étaient les échecs internationaux avec plusieurs champions du Monde, ceux de la Fide, ceux de la PCA, des querelles sans fin, des soupçons de magouilles au plus haut niveau bref un foutoir pas possible qui était illisible et déconcertant. Le match contre Deep Blue, pour important qu’il soit, était sans doute beaucoup plus important pour ceux qui ne pratiquaient pas le jeu, (ce que du reste la série montre assez bien). Les joueurs d’échecs ont toujours su, enfin c’était clair pour la plupart, que l’ordinateur battrait forcément un jour le champion du Monde de la même manière que l’on va plus vite sur un marathon en mobylette…

Fin de la digression.

J’ai trouvé un peu ridicule le poing levé de Kasparov lors de son adresse au public, geste qui reviendra tout au long de la série. C’est un détail.

De l’épisode 2 je retiens ce que Garry retiendra de son papa qu’il visite à l’hôpital (ce dernier étant mourant et voilà, question scénario, une audacieuse et réussie reconstitution symbolique de la réalité) à savoir « Stop, Focus, See, Play ».
La mise en place de la fonction pause dans le programme de Deep Blue pour bluffer Kasparov est bien mise en lumière.

L’épisode 3 démarre de façon assez grotesque, Garry courant dans la Rue Mongallet du coin pour acheter à coup de liasses de dollars l’intégralité des PC du seul commerce encore ouvert. On rêve. Mais c’est un détail. Je retiens plutôt l’excellente tirade de son nouvel agent qui pointe l’ego démesuré de son client évoquant par là un travers nombriliste que l’on rencontre chez de nombreux joueurs. La séquence du père trébuchant à l’hosto pour seulement évoquer auprès de son fils la nécessité d’avoir un objectif sans quoi on meurt est assez poussive pour ne pas dire « trop facile ». Encore un détail.

L’épisode 4 est sans conteste mon préféré puisqu’il restitue avec une grande rigueur là-aussi symbolique le scandaleux premier match de Moscou de 1985 durant lequel la FIDE (et pour tout dire l’armada Russe dont Karpov était le chouchou docile, et l’avenir montrera qu’avec le PCUS comme avec Poutine sa capacité à se positionner a toujours fait ses preuves) stoppera le match alors que Kasparov n’était plus mené que 5-3 après avoir été mené 5-0. La littérature est florissante sur ce sujet on peut jeter par exemple un coup d’œil ici pour se faire une idée.

L’épisode 5 illustre une descente aux enfers de Garry vers les affres sombres de la parano et le dernier constitue le dénouement audacieux que je ne dévoile pas.

Il ne faut pas il me semble manquer de jeter un œil sur le making off de 5 minutes durant lequel le réalisateur (Yan England ) s’attarde sur les contraintes qui se posaient à lui en matière de « filmage » d’une partie d’échecs.
C’est vraiment intéressant.

Mention spéciale à Sarah Bolger pour son interprétation d’une « exécutive woman » sans foi ni loi.
A ma grande surprise donc Rematch est une bonne surprise.

Addendum
Comme la comparaison avec the Queen’s Gambit ne cesse d’apparaitre dés que l’on évoque « Rematch » il me semble intéressant de la travailler sous l’angle du choix de Yan England et André Gulluni (les scénaristes) de pousser l’inspiration des faits réels au point de citer Kasparov et IBM. Certes the Queen’s Gambit était l’adaptation d’un livre (ce que l’on oublie trop souvent) ce qui n’est pas le cas de Rematch mais au fond fallait-il à ce point fixer le réel ? Je n’ai pas de réponse à ce stade. La réflexion continue….

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